Connaître les gens de Gagnon, c’est apprécier de bien braves personnes

Connaître les gens de Gagnon, c’est apprécier de bien braves personnes
(Le Petit Journal, semaine du 5 juin 1960, page 3)
Par Roland Verrette

Transformée en pouponnière et en salle de jeux durant plusieurs jours, la « Normandie Room » de l’Hôtel Mont-Royal ressemblait à une véritable paradis d’enfants. Le récent feu de forêt aux limites de Gagnon nous a valu la visite de ces jeunes boute-en-train et de leurs mamans. Plus de 350 femmes et enfants avaient trouvé refuge à Montréal…

Au début de la semaine, devant la menace des flammes aux limites de Gagnon, petite ville minière du Nouveau-Québec, la Quebec Cartier Mining Co. a décidé de faire évacuer toutes les femmes et tous les enfants de l’endroit. Un groupe de 26 avions a effectué cette mission d’urgence. Des arrangements avaient été pris avec les autorités de l’Hôtel Mont-Royal de Montréal pour donner refuge aux 350 personnes éprouvées. Grâce à la coopération de tous, l’accueil fut des plus chaleureux et des plus réconfortants.

Toute une transformation

Pour l’occasion, la « Normandie Room » fut soudain peuplée de 200 enfants de tous âges. Des infirmières de la Croix-Rouge et des volontaires du service de la Défense civile ont prêté main-forte aux mamans, plutôt dépaysées à Montréal. On a aménagé une pouponnière pour les bébés et une salle de jeux pour les autres enfants. Des poêles et des réfrigérateurs étaient à la disposition des mères, car les chefs de l’hôtel ne s’y connaissent pas tellement dans la préparation des aliments pour bébés. Jamais la « Normandie Room » n’avait vu une clientèle aussi originale et aussi bruyante. Des cris, des rires, des pleurs faisaient une cacophonie peu banale.

Les sympathiques visiteurs de Gagnon n’avaient que des éloges à faire des Montréalais. Pour sa part, Mme Henri Coquelin se disait heureuse de se voir dans la métropole, mais elle ne cachait pas sa hâte de retourner dans son foyer. « Tous les gens ont été bien gentils pour nous ici, mais j’espère bien retrouver mon mari et maison le plus tôt possible ». Et en causant avec d’autres mamans de Gagnon, je leur ai posé la question suivante : » Si on vous offrait de choisir entre Montréal et la Côte-Nord, que feriez-vous? » Leur réponse a été unanime : « Rien ne pourrait remplacer notre petite ville minière », de dire l’une avec l’approbation générale. Et il fallait les entendre parler avec enthousiasme de leur coin du Nord qui progresse à pas de géant.

Première fois à Montréal

Mme Alfred Boudreau était toute rajeunie par cette envolée Gagnon-Montréal et ses 79 ans n’y paraissent guère. Toute souriante, elle se disait très heureuse de cette première visite à Montréal. D’un air taquin, elle s’est écriée : « Je suis presque contente de ce feu de forêt, car, sans lui, je ne serais probablement jamais venue à Montréal ». Mme Boudreau est veuve et demeure avec ses nièces à Gagnon. Le lendemain, on projetait une visite au Jardin zoologique de Granby et l’alerte septuagénaire se promettait bien d’y aller. « À mon âge,dit-elle, il ne faut rien manquer, on ne sait jamais…

Mme Roméo Imbeault et ses quatre enfants, Serge, Clarence, Carole et Chantal se trouvaient bien à Montréal, surtout depuis qu’on leur avait appris que leur ville était hors de tout danger de conflagration. Ils songeaient déjà au jour où ils retourneraient là-bas vers le papa qui, avec une équipe de volontaires, s’était occupé à combattre l’élément destructeur. Dans l’intervalle, les jeunes Imbeault ne manquaient rien de ce qu’on organisait à leur intention : jeux multiples, séances de cinéma, excursion à travers la ville, etc. Malgré cela, l’aîné,Serge, s’ennuyait de sa « waguine ». Quant à Mme Imbeault, l’air parfumé de la forêt la laissait un peu nostalgique. « Les enfants s’amusent si bien à l’extérieur, dit-elle, et il n’y a rien de mieux pour eux ». Nous n’en doutons pas, l’air du Nord doit être vivifiant, car tous les gens de Gagnon que nous avons rencontrés semblaient en excellente santé.

Heureuse aventure

Grâce à une pluie bienfaisante et au travail inlassable de 2000 volontaires, le feu de forêt a été enrayé et tous les gens de Gagnon réintégreront leur domicile sous peu. Bien des enfants se souviendront longtemps de cette envolée de 600 milles qui leur fait connaitre le grand Montréal. Quant à nous, l’épreuve de la ville minière du Nouveau Québec aura eu l’avantage de nous approcher de compatriotes bien sympathiques à qui il faisait bon rendre service. Après avoir causé avec eux, il ne nous reste plus qu’un désir, leur rendre leur visite le plus tôt possible à Gagnon.

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